Marie-José de la Barre d'Erquelinnes
Lorsque les troupes du IIIe Reich envahirent notre pays en mai 1940, les riches demeures et des châteaux furent réquisitionnés pour établir les Q.G.
Jurbise n'échappa pas à la règle et, en octobre de cette année-là, le comte Henri de la Barre - qui était le bourgmestre de Jurbise à l'époque - fut obligé de partager son château du domaine des Viviers avec des officiers ; cependant ce ne furent pas des Allemands qui vinrent s'installer chez lui, mais leurs alliés italiens. C'est ainsi qu'il devint l'hôte de Vito Mussolini, un neveu du Duce.
Les officiers logés au château des Viviers étaient des aviateurs italiens basés à Chièvres. Par leur naturel méditerranéen, ils avaient un tempérament volubile et une tendance à l'exagération. Aussi, quand de nouveaux bombardiers de fabrication italienne furent mis en service, ils ne purent s'empêcher de vanter leurs mérites devant leurs hôtes. Si la famille de la Barre se montrait accueillante avec eux, ce n'est certes pas par sympathie envers l'ennemi, mais parce qu'elle avait compris qu'il serait facile de leur "tirer les vers du nez". De plus, un Italien étant toujours fort sensible au gentil sesso, ils poussèrent même l'amabilité jusqu'à inviter la jeune fille de la maison, Marie José, à effectuer avec eux une visite approfondie de la base et des nouveaux bombardiers Cant Z.1007bis Alcione. Cette visite allait faire de la jeune femme une espionne car après avoir transmis ces renseignements à un ami, Christian Lancksweert (1913-1978), le Service Zéro de la Résistance la sollicita pour étendre ses observations à d'autres champs d'aviation, ce qu'elle accepta.
Cant Z.1007 bis Alcione aux couleurs allemandes
Cant Z.1007 bis Alcione / Fiche technique Italie Bombardier moyen Après avoir produit quelques prototypes sous motorisés, les Italiens équipèrent leur Z.1007 bis de moteurs de 1 000 chevaux, lui permettant d'emporter assez de bombes pour être efficace. Il fut utilisé par l'aéronautique italienne et par la Luftwaffe. La plupart furent détruits avant la fin de la guerre. Spécifications techniques du Z.1007 bis Équipage : 5 hommes Motorisation : 3 Piaggio P.XI RC 40 en étoile de 1 000 ch chacun Vitesse maximale : 464 km/h à 5 250 m Plafond pratique : 8 080 m Rayon d'action : 2 205 km Masse à vide : 8 772 kg Masse en charge : 12 985 kg Envergure : 24,79 m Longueur : 18,33 m Hauteur : 5,18 m Armement : 2 mitrailleuses de 12,7 mm ; 2 mitrailleuses Breda-SAFAT de 7,7 mm et jusqu'à 2 000 kg de bombes |
Nous ne relaterons pas ici les multiples actions auxquelles Marie-José de la Barre a été confrontées. Le lecteur désireux de connaître plus de détails pourra lire son livre Granny Was a Spy (Grand-mère était une espionne) paru en 1988 aux Editions Quartet Books(140 pages). Dans ce livre, l'auteur nous rapporte ses souvenirs de guerre allégés par l'humour et surtout destinés à satisfaire, dit-elle, la curiosité de ses petits-enfants.
En octobre 1942, elle apprit qu'elle était sur la liste noire de la police allemande et que son arrestation était imminente. Elle n'eut pas d'autre alternative que de fuir le pays sous une fausse identité : Louise Bertier. En décembre, elle traverse la Loire, franchit les Pyrénées malgré un froid glacial ; elle entre en Espagne et à Barcelonne, elle reçoit un passeport britannique ; elle arrive enfin, en mars 1943, au Portugal et s'embarque à Lisbonne sur un bateau qui l'emmène à Southampton.
Arrivée là, elle travaille pour les secours d'urgence belge puis, à l'automne 1944, pour l'armée américaine à la base Delta à Marseille comme un agent de liaison. Elle participe principalement à la réinstallation des réfugiés russes qui arrivent des camps d'Odessa à bord de navires.
En août 1945, après sa démobilisation, Marie-José de la Barre d'Erquelinnes revient en Belgique, où elle rencontre le lieutenant-colonel Charles English Hyde Villiers, veuf depuis peu de temps et père d'un jeune garçon, Nicholas, alors âgé de six ans. Leur mariage a lieu le 26 octobre 1946 au château des Viviers à Jurbise, après quoi ils entreprennent un voyage à la fois de noces et d'affaires à travers l'Afrique.
De retour à Londres, Villiers rejoint l'Investment Bank qui deviendra par la suite la Schroder Wagg ; il a été président de la British Steel Corporation de 1976 à 1980. il a été anobli en 1975.
Quant à Marie-José de la Barre, désormais devenue José Villiers, elle s'est investie dans l'East End de Londres dans les services scolaires, pendant 20 ans ; elle a passé plusieurs jours chaque semaine à l'Inner London Education Authority, les écoles locales, dans les services médicaux. Elle s'est étroitement impliquée dans les problèmes familiaux des quartiers populaires qui éprouvaient de grandes difficultés pour élever leurs enfants étant donné l'insuffisance de leurs salaires, vivant dans des immeubles humides et insalubres.
Elle s'est fait beaucoup d'amis parmi les East Enders ainsi que parmi les immigrants qui sont arrivés en Grande-Bretagne pendant les années 1970. Mais elle est également très proche de la famille royale britannique et est une amie intime de la reine mère. Lors d'un voyage en Inde, elle s'est liée à mère Teresa.
Pour ses actions en temps de guerre, le gouvernement belge lui a décerné les titres honorifiques de Chevalier de l'ordre de la Couronne avec Palme, Croix de Guerre avec Palme, Médaille de la Résistance, Médaille commémorative de la Guerre 1940-45 et la Croix des Évadés. Le gouvernement français lui a décerné une Croix de Guerre. Du gouvernement américain, elle a reçu la Bronze Star, qui est la quatrième plus haute distinction pour bravoure, héroïsme et mérite aux USA.
Marie-José de la Barre recevant la Bronze Star
Sir Charles Villiers Villiers est décédé le 22 janvier 1992. Nicholas Hyde Villiers, son fils, en 1998. Quant à José Villiers, elle s'est éteinte à l'âge de 98 ans le 1
Après les funérailles, son beau-fils, Tom Martin, confiait à Sadie Nicholas, journaliste à l'Express, que quelques mois avant sa mort : ... après une chute elle a dû aller en convalescence dans une maison de repos - elle était à peine capable de se déplacer avec son cadre de marche, mais elle a réussi à se procurer le code de la porte d'entrée et ... à s'évader !
Emile Pequet
Quelques sites anglais où l'on parle de Jose Villiers :The Telegraph (10 February 2015)
Special Forces, Roll of Honor (Sunday 22 Febrary 2015) by John Robertson
Independent (Sunday 22 Febrary 2015) by Anne Keleny
Express by Sadie Nicholas
Récit magnifique d'une destinée qui pourrait être adaptée à l'écran
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